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« Nicolas Sarkozy est arrivé à l’Élysée avec des idées reçues »

Depuis son arrivée à l’Elysée, il y a deux ans, Nicolas Sarkozy a pris l’habitude d’être fort avec le faible et faible avec le fort.

Une politique injuste et inefficace détaillée par Éric Heyer, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE.

Voyez-vous une justification à ce que les prêts accordés aux banques dans l’urgence l’aient été sans contrepartie ?

Il est très étonnant que le renflouement des banques ait été effectué sans condition… si ce n’est le prix qu’elles devront acquitter au Trésor. Nous devons être très vigilants sur l’utilisation des fonds publics prêtés aux banques. Pour cela, l’État devrait être représenté aux conseils d’administration des établissements bancaires, mais aussi à la tête de la structure mise en place pour coordonner ces aides qui a été confiée à un banquier… Cette absence de contrôle se justifie d’autant moins que nous n’avons certainement pas encore découvert l’ensemble des créances douteuses.

En matière d’accroissement des inégalités, le bouclier fiscal fait figure de pêché originel…

Nicolas Sarkozy est arrivé à l’Élysée avec l’idée reçue selon laquelle le contribuable français paierait trop d’impôt sur le revenu. Il faut savoir que c’est le plus progressif et le plus redistributif des impôts. Or, depuis 2002, ses recettes ont constamment été abaissées. Désormais, elles représentent à peine 7,7% du PIB, contre 10% en moyenne pour les pays de l’OCDE, y compris les États- Unis. Dans le même temps, les prélèvements obligatoires, plus injustes, ont augmenté légèrement. Le bouclier fiscal accentue encore cette tendance. En effet, les 460 millions d’euros que coûte la mesure profitent avant tout aux 14 000 ménages qui disposent des plus hauts revenus. Et encore, 800 foyers se partagent les deux tiers de l’enveloppe. Par contraste, songez que le plan de relance français prévoit une prime de 500 millions d’euros pour les huit millions de bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA). En mettant fin au bouclier fiscal on pourrait la doubler.

Le bouclier fiscal prive-t-il l’État de recettes nécessaires à la relance de l’économie ?

Nous traversons actuellement une période de récession d’une ampleur inégalée. Il faut actionner les deux leviers à notre disposition : les politiques monétaire et budgétaire. La baisse des taux de la Banque centrale européenne n’a pas réussi à relancer l’économie, si bien qu’il ne reste guère aujourd’hui que la relance budgétaire, c’est-à-dire les déficits publics. Lorsque nous serons sortis de la récession, nous devrons payer une facture qui s’annonce colossale. Dans ces conditions, nous sommes obligés de revenir à un bouclier fiscal à 60%, sinon ce seront les classes moyennes et populaires qui devront supporter l’intégralité de l’effort et pas les super-riches.

La défiscalisation des heures supplémentaires et la volonté d’imposer le travail dominical trouvent-elles plus de grâce à vos yeux ?

Les deux mesures procèdent de la même erreur. Le candidat Sarkozy croit que les Français travaillent moins que leurs concurrents. C’est faux ! L’OCDE montre que les Français, y compris ceux à temps partiel, consacrent chaque année plus de temps à travailler que les autres Européens. L’écart atteint 10% avec les Allemands et même 17% avec les Néerlandais. La question du temps de travail durant la vie active représente, en revanche, un réel enjeu, mais il est laissé de côté par le gouvernement. En effet, les Français ont une vie active courte, diminuant d’autant le financement du système de protection sociale. Il faudrait donc faire en sorte que les entreprises cessent de se séparer de leurs seniors. Voilà pour le cadre général de la discussion, mais dans le contexte actuel de grave récession, la défiscalisation des heures supplémentaires a eu pour effet d’accentuer la destruction d’emplois. En 2008, les patrons ont ainsi préféré les utiliser et mettre fin à 100 000 contrats d’intérimaires et de CDD. Un mouvement d’une ampleur inédite.

Parallèlement, le gouvernement cherche à faire des économies dans la fonction publique. Est-ce justifié ?

Penser que l’on peut réduire les dépenses en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c’est faire fausse route. La mesure représente 900 millions d’euros d’économie, ce n’est pas à la hauteur des enjeux. Il faut bien dire aux Français que la protection sociale coûte cher. Si le gouvernement refuse d’augmenter les impôts pour la financer, il se condamne à effectuer des mesures d’économie sans fin qui nous rapprocherons du modèle de société des États-Unis où les services publics sont presque entièrement privatisés. Une protection sociale étendue coûte cher. Le gouvernement devra ouvrir le dossier de l’augmentation de ses ressources en posant aux Français une question simple : quelles recettes supplémentaires met-on en oeuvre pour assurer le bon fonctionnement de notre système social ? C’est un choix de société.

Propos recueillis par Olivier Vilain


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