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Rémunérations des patrons : scandales en stock et loi en option

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Des millions d’euros pour des dirigeants d’entreprises parfois au bord de la faillite. Parachutes dorés, retraites chapeau, stock options, primes, bonus, peu importe le nom qu’elles portent, les rétributions des grands patrons atteignent trop souvent des niveaux indécents. Nicolas Sarkozy, dans son nouveau rôle de « moralisateur » du capitalisme, a promis de mettre fin à ces pratiques. Le 30 mars, François Fillon présentait ainsi un décret en ce sens. Un tour de passe-passe pour calmer l’opinion, mais qui sur le fond, ne devrait pas changer grand chose.

Le feuilleton pourrait s’appeler Bonus, gloire et parachutes dorés. Premier épisode : l’affaire des stock-options de la Société générale, suivi très rapidement par l’airbag en or massif du patron de Valeo ou encore le scandale des bonus des commerciaux de Chevreux (filiale du Crédit agricole). Chaque jour un nouveau rebondissement et au bout du compte, l’indignation légitime des Français dont beaucoup souffrent des effets de la crise. Souhaitant apaiser l’opinion publique, Nicolas Sarkozy a promis de mettre fin à ces scandales, emblématiques des dérives du système capitaliste. On attendait une loi. Ce sera un décret. François Fillon l’a présenté le 30 mars. Le texte interdit jusqu’à fin 2010 la distribution de stock-options et d’actions gratuites aux dirigeants et mandataires sociaux des entreprises aidées par l’État, les six grandes banques françaises et les sociétés visées par le plan automobile, Renault et PSA Peugeot Citroën. Mais ne concernent pas celles recevant des financements du fonds stratégique d’investissement (FSI), comme Valéo. Sur le papier, cela sonne comme un coup d’arrêt aux rétributions excessives et injustifiées de certains dirigeants du CAC 40. « Il ne s’agit au fond que d’un décret alibi qui ne s’attaque en rien aux racines du mal », estime le PS – La droite ne parle pas de plafonnement des rémunérations quand 80% des Français y sont favorables. Et sur ce point, le gouvernement préfère s’en remettre à la bonne volonté du Medef qui en donne pourtant pas de gages dans ce sens. Bien au contraire.


Excès

Accumulant les provocations, Laurence Parisot, la patronne des patrons a ainsi asséné : « Nous, Medef, avons une autorité morale mais pas plus que cela. Nous n’avons pas les moyens ni même le désir d’imposer quelque chose qui dépend de la relation contractuelle entre le mandataire social et son entreprise.  » Un état d’esprit qui montre à quel point une certaine frange des dirigeants de grandes entreprises se trouve éloignée de la réalité. Comment, en effet, ne pas se révolter face à un scandale comme le parachute doré de Thierry Morin ? Comme le révélait le quotidien Libération (24 mars), le PDG de Valeo s’en va avec un joli pactole de 3,2 millions d’euros quand, dans le même temps, le groupe prévoit 1600 suppressions de postes et enregistre une perte de 208 millions d’euros en 2008. L’entreprise a par ailleurs reçu une aide du FSI de 19 millions d’euros en février.

Évidemment, ce genre d’excès est particulièrement indécent en période de crise. Mais pourquoi fixer à fin 2010 l’expiration du décret ? Les rémunérations astronomiques de grands patrons choquaient déjà avant le marasme économique et financier dans lequel la France est plongée depuis plus de six mois. Aucune raison pour que ce système s’arrête de lui-même comme par enchantement. D’autant que la France est championne en la matière. Un PDG de société française cotée en bourse touche en moyenne 1,85 million d’euros de salaire annuel. Un record en Europe comme le souligne une enquête de 2003, et très au-delà, par exemple, des déjà très élevés 983 000 euros annuels d’un grand patron suédois. Et comme si ça ne suffisait pas, sur les 20 patrons européens les plus riches en 2008, 10 sont Français ! Face à ces chiffres, l’opinion s’interroge. Est-il normal qu’un patron gagne 100 fois plus qu’un salarié payé au Smic ? Responsabilité ou pas, on doute. Les cas Caisse d’Épargne ou Valeo ne sont pas les premières affaires du genre. On se souvient des 38 millions d’euros de prime de départ du patron de Carrefour en 2005, ou plus récemment des 6 millions d’euros touchés par Patricia Russo pour dire « adieu » à Alcatel.


Textes insignifiants

Les exemples abondent. Et si rien n’empêche ces dirigeants de gagner plus, pourquoi s’en priveraient-ils ? Un décret temporaire ne devrait pas les arrêter. Le Président déclarait pourtant le 29 mai 2007 au Havre, juste après son élection : « La pensée unique ne croyait pas à l’interdiction des parachutes dorés. Cette interdiction, je l’ai promise et je la mettrai en œuvre. » Les Français attendent toujours. Et depuis, d’autres promesses sont venues grossir la loi invisible de Nicolas Sarkozy. Ainsi que quelques textes insignifiants. Dans son fameux paquet fiscal d’août 2007, par exemple, le gouvernement conditionne l’attribution de primes de départ aux performances des dirigeants. Pour quel résultat ? Les chiffres désastreux de Valeo n’ont pas empêché son PDG de se payer grassement. « Cela fait des mois et des mois que nous déposons des amendements aux différents projets de loi liés aux finances pour limiter de manière draconienne, et parfois même interdire, les rémunérations principales ou accessoires qui paraissent totalement injustifiées, rappelle Michel Sapin, député socialiste de l’Indre, et secrétaire national du PS à l’Economie. Voilà longtemps qu’un dispositif efficace aurait pu être adopté. Mais jusqu’à présent, la majorité a balayé nos propositions comme elle refuse de supprimer le bouclier fiscal. »


Interdire les stock-options

Pour les socialistes, demander aux patrons de s’autoréguler n’est rien d’autre qu’un leurre. Il faut agir à deux niveaux. « Il y a d’abord celui de l’urgence. Il faut dans un premier temps des dispositions législatives qui interdisent les stock-options et limitent de manière drastique les rémunérations, dans les entreprises aujourd’hui aidées par l’État, fonds d’investissement compris », explique encore Michel Sapin. Mais il faut aussi regarder au-delà de la crise. Le député socialiste poursuit : « Il est nécessaire de fixer des normes de rémunération. On peut très bien imaginer qu’un dirigeant ne puisse pas être payé plus de 30 fois le Smic par exemple. C’est d’ailleurs le système qu’est en train de mettre en oeuvre Obama aux États-Unis sur une base de 500 000 dollars annuels. Une somme qui représente déjà de bons niveaux de rémunérations ! Et pour éviter qu’on remette en place des dispositifs qui ont montré leur inefficacité, il faut interdire les stock-options sauf dans les entreprises naissantes. C’était d’ailleurs leur objectif au départ : des jeunes entreprises qui n’ont pas les moyens de payer leurs patrons et qui, en quelque sorte, diffèrent le salaire. On pourrait, par exemple, s’accorder sur la possibilité de recourir aux stock-options dans les cinq premières années d’existence d’une entreprise. Mais c’est totalement illégitime à la Société Générale, ou à la BNP. » La proposition de loi du PS est d’ores et déjà rédigée et déposée. Elle sera débattue à l’Assemblée nationale le 30 avril prochain. Au gouvernement de se montrer enfin « honnête et responsable » pour reprendre les mots mêmes de Nicolas Sarkozy.

Fanny Costes


Un chantier européen

La France n’est pas la seule à être touchée par les scandales liées aux émoluments faramineux des grands patrons d’entreprise. Les mêmes excès existent au Royaume-Uni, avec l’affaire Fred Goodwin par exemple. Ce dirigeant de la Royal Bank of Scotland vient de partir en ayant négocié une retraite en or : une rente de 650 000 livres (726 000 euros) annuelle à vie, alors que la banque a enregistré des pertes records en 2008. D’autres départs du même acabit ont été révélés dans la presse ces dernières années en Europe. Face à ces situations, l’Union européenne peut-elle jouer un rôle dans la limitation de ces rémunérations, ou au moins les contrôler ? Des discussions ont déjà eu lieu.
Dès 2004, la Commission avait évoqué la question et estimé qu’il fallait établir de grandes lignes européennes sur le sujet. Mais rien n’a suivi. En 2007 ensuite, Jean-Claude Juncker, alors président de l’Eurogroupe, avait fustigé ces salaires trop élevés, lors d’une réunion des ministres de l’économie de la zone euro. Le Luxembourgeois avait alors demandé à chaque État membre de communiquer des plans nationaux pour lutter contre « un fléau social et des comportements extravagants ». Une demande restée lettre morte.
Aujourd’hui toutefois, l’atmosphère de crise semble porter le débat plus haut. Le 23 mars, la Commission européenne a organisé un séminaire sur les rémunérations des grands patrons. « Le 21 avril prochain, elle va sortir deux recommandations sur les rémunérations des dirigeants en général, et une spéciale pour les acteurs des marchés financiers (traders…), précise Pervenche Berès, eurodéputée socialiste et présidente de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen L’idée est de déboucher sur une initiative de nature législative, notamment pour que les superviseurs nationaux et européens, comme l’AMF, puissent mettre leur nez dans les histoires de rémunération. »
Lors de son intervention, l’eurodéputée a insisté sur le fait qu’on a toujours justifié l’énorme différence de rémunération entre un dirigeant et un travailleur ordinaire par la responsabilité qui lui incombait dans la survie de l’entreprise. Mais, a-t-elle souligné, « la crise a démontré que trop souvent, il n’y avait pas de lien entre la responsabilité et le salaire ».
Si ces recommandations aboutissent, un texte de loi devrait arriver sur les bancs du Parlement européen à l’automne 2009.
« Ces sujets seront à traiter en priorité par le prochain Parlement. Si une majorité de gauche est élue aux élections de juin prochain, ce sera l’un de nos grands sujets d’action. Tout comme la question de l’architecture financière », souligne Pervenche Berès. Ensuite aux États, qui en ont la compétence, de fixer des règles plus strictes d’encadrement des rémunérations.F.C

Scandales en série

Année Dirigeant Pays Entreprise Parachute doré
2005 Daniel Bernard France Carrefour 38 millions euros
2006 Noël Forgeard France EADS 8,5 millions euros
2007 Serge Tchuruk France Alcatel 5,7 millions euros
2007 Antoine Zacharias France Vinci 13 millions euros
2008 Patricia Russo France Alcatel 6 millions euros
2009 Fred Goodwin Royaume-Uni Royal Bank of Scotland 650 000 livres (726 000 euros)
de retraite annuelle à vie
2009 Douglas Poling États-Unis AIG (assurances) 6,4 millions de dollars
2009 Thierry Morin France Valeo 3,2 millions d’euros


Exemples à suivre

Les Pays-Bas montrent la voie

Le 9 septembre 2008, le Parlement néerlandais est devenu le premier au monde à voter une loi visant à limiter les rémunérations outrageuses de certains grands chefs d’entreprise. Depuis le 1 er janvier 2009, les PDG et directeurs des 90 sociétés cotées à la Bourse d’Amsterdam doivent payer 30 % d’impôt de plus sur leurs primes, s’ils gagnent plus de 500 000 euros annuels net, et si ces primes dépassent leur salaire annuel. Les sociétés s’exposent, quant à elles, à une très lourde pénalité : 15 % d’impôts supplémentaires sur leurs bénéfices si elles augmentent un directeur à quelques mois d’un départ. Enfin, les 700 directeurs de fonds d’investissement du pays doivent reverser au fisc 25% des revenus tirés des actions qu’ils détiennent dans leur propre société.

Avec la crise et de nouveaux scandales, les Pays-Bas veulent même aller plus loin. Le Parlement discute plusieurs mesures, comme l’embargo sur les primes.

Aux Etats-Unis, un cadre plus strict

Barack Obama a déjà plafonné à 500 000 dollars par an le salaire des dirigeants de banques qui ont bénéficié d’une aide fédérale, et annulé la possibilité de parachutes dorés en cas de licenciement pour les dix plus hauts responsables de ces groupes. Et des mesures plus sévères sont prévues pour limiter les rémunérations des patrons dans le secteur financier. La Chambre des représentants a déjà voté un texte qui taxerait les bonus à hauteur de 90 % d’une entreprise aidée par l’Etat.

F.C


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